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Leaving Las Vegas

Dernière mise à jour : 21 août

L'addiction centrale et quasi exclusive dans "Leaving Las Vegas" est l'alcoolisme, incarnée par le personnage de Ben Sanderson. Le film se concentre de manière quasi documentaire sur sa descente aux enfers autodestructrice. On peut également y voir une forme de dépendance affective chez le personnage de Sera, bien que l'alcoolisme de Ben reste le sujet principal.




Sur l'addiction

L'histoire se déroule au milieu des années 1990. À cette époque, bien que l'alcoolisme soit reconnu comme une maladie par le corps médical, la perception publique reste encore largement teintée de jugement moral. Le film ne cherche pas à excuser le personnage, mais à montrer la maladie dans sa dimension la plus brute et désespérée, sans fard ni espoir de rédemption, ce qui était assez audacieux pour l'époque.



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Le film déconstruit plusieurs stéréotypes. Il ne présente pas l'alcoolique comme un personnage joyeux ou social, mais comme un être profondément seul et suicidaire. Il évite aussi le cliché de la rédemption. Ben ne cherche pas à s'en sortir, il a accepté son sort.

Le film montre que l'addiction n'est pas un simple vice, mais une force destructrice qui consume tout.

L'addiction est présentée comme une maladie incurable et fatale pour Ben. Il ne s'agit plus d'un choix, mais d'une condition qui le définit entièrement. Il explique d'ailleurs à Sera : "Je ne sais pas si j'ai commencé à boire parce que ma femme m'a quitté, ou si ma femme m'a quitté parce que j'ai commencé à boire". Cette phrase illustre l'impasse et la circularité de sa condition.




Sur les personnages

Et sur les traits de caractère attribués aux personnages addicts,

Ben est dépeint comme un homme intelligent, cultivé et autrefois brillant, mais qui a tout perdu. Son addiction le rend à la fois vulnérable et égoïste. Il est marqué par un profond isolement, une immense tristesse et une autodestruction assumée. Il n'y a pas de recherche de puissance, mais plutôt une fuite en avant vers l'anéantissement.


L'addiction est absolument centrale dans le développement du personnage. Elle n'est pas un aspect du personnage, elle "est" le personnage. Tout le scénario, toutes ses actions et interactions sont dictées par son besoin irrépressible de boire.

L'alcoolisme a détruit sa vie professionnelle et familiale avant même le début du film (il se fait renvoyer et brûle ses souvenirs). À Las Vegas, sa relation avec Sera est fondée sur une règle claire : elle ne doit jamais lui demander d'arrêter de boire. Cette condition instaure une relation à la fois tendre et tragique, où l'amour ne peut exister qu'en acceptant la mort programmée de l'autre.






L’auteur s'est inspiré de sa propre expérience de l’addiction pour construire ses personnages.

De manière tragique, le film est une adaptation du roman semi-autobiographique de John O'Brien, qui s'est suicidé deux semaines après avoir appris que son livre allait être adapté au cinéma. Son œuvre était une exploration de sa propre lutte contre l'alcoolisme.



Sur le traitement artistique

Quels procédés filmiques, littéraires ou narratifs sont utilisés pour représenter l’addiction (métaphores, symboles, effets visuels/sonores, voix off…) ?

Le réalisateur Mike Figgis utilise une caméra souvent à l'épaule, ce qui donne un aspect documentaire et instable, reflétant l'état d'ébriété de Ben. Les scènes de tremblements (delirium tremens), de chutes et de confusion sont filmées de manière très réaliste et frontale, sans ellipse.


La mise en scène (lumière, musique, montage) et l’état addictif

La lumière crue et néonne de Las Vegas contraste avec l'obscurité intérieure du personnage. La musique, composée par Mike Figgis lui-même et interprétée par Sting, est un jazz mélancolique qui souligne la solitude et la détresse des personnages. Le montage est parfois décousu, avec des fondus enchaînés qui peuvent mimer les "trous noirs" de l'ivresse.


Le réalisateur, l’auteur ou les acteurs et l'alcoolisme

Outre l'auteur John O'Brien, l'acteur Nicolas Cage s'est beaucoup investi. Pour se préparer, il a regardé des vidéos de personnes en état d'ivresse et a même expérimenté l'alcool de manière intensive sur une courte période pour mieux comprendre l'état de son personnage (sous supervision médicale).


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Sur la réception et l’impact

Le film a été acclamé par la critique, notamment pour la performance de Nicolas Cage qui lui a valu l'Oscar du meilleur acteur. La critique a salué le courage et l'honnêteté du film, sa manière sans concession de traiter un sujet difficile, refusant tout optimisme de façade.


L’œuvre contribue plutôt à la déstigmatisation. En montrant l'humanité derrière la maladie, en créant de l'empathie pour Ben malgré son comportement destructeur, le film invite à voir l'alcoolisme comme une tragédie humaine plutôt que comme une simple tare morale.


L’addiction est montrée comme un problème Principalement individuel. Le film se concentre sur la psychologie de Ben et ne cherche pas à analyser les causes sociétales de l'alcoolisme. Las Vegas n'est qu'une toile de fond, un "no man's land" moral où tout est permis, y compris de se détruire.



Sur les comportements addictifs modernes

Les œuvres plus récentes comme "Black Mirror" ou le film "Her" explorent ces nouvelles formes d'addiction. Elles les présentent souvent comme une conséquence de l'isolement dans un monde hyperconnecté, où la technologie devient un refuge ou une prison.


Les similitudes et différences avec les addictions aux substances sont mises en avant en expliquant que

La similitude réside dans le mécanisme de la dépendance : la recherche d'une récompense immédiate, la perte de contrôle, l'isolement social et la négligence des autres aspects de la vie. La différence est que les addictions comportementales sont souvent plus socialement acceptées et moins visiblement destructrices physiquement au début, ce qui peut retarder la prise de conscience.


Sur les représentations sociales et culturelles des produits et des comportements, les représentations sociales et culturelles de l’addiction reflètent souvent les normes de leur époque. L'alcool, par exemple, est souvent montré comme un lubrifiant social ("Mad Men") avant d'en révéler les dangers. Le cannabis est passé d'un symbole de contre-culture à une substance quasi banalisée dans certaines productions récentes.


L’œuvre questionne frontalement ces représentations. "Leaving Las Vegas" questionne frontalement l'image "acceptable" de l'alcool. Il prend la substance la plus banale et la plus intégrée socialement pour montrer qu'elle peut être l'instrument d'un suicide lent et méthodique, loin de toute convivialité.


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Passage révélateur de l’addiction

Un des passages les plus forts est la première véritable conversation entre Ben et Sera dans un bar. Ben, déjà ivre, explique son projet avec une lucidité terrifiante :


- Ben: "Je suis venu à Las Vegas pour me saouler à mort."


Il ne cherche ni aide, ni pitié. Il énonce son plan comme un simple fait. Plus tard, alors qu'il est au plus mal, tremblant et en sueur dans son lit, il refuse les soins de Sera en lui rappelant leur pacte :


- Sera: "Laisse-moi t'aider."

- Ben: "Non. Tu te souviens de ce que tu m'as promis. Tu ne dois jamais me demander d'arrêter de boire."



Cette scène est bouleversante car elle montre que même dans un moment de connexion humaine et d'amour potentiel, l'addiction reste la force dominante, la règle qui ne peut être transgressée, même pour la survie. C'est l'essence même de la maladie : une logique interne qui prime sur tout, y compris sur l'instinct de conservation.



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Média


Le film est en diffusion gratuite sur le site Internet Archive https://archive.org/details/Leaving-Las-Vegas-1995-Mike-Figgis



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