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Leaving Las Vegas

Dernière mise à jour : 16 oct.

Commençons tout de suite par une bonne nouvelle : le film est en diffusion libre (en VO) sur Internet Archive. Leaving Las Vegas est un film américain écrit et réalisé par Mike Figgis, sorti en 1995. Il est adapté du roman du même nom de John O'Brien.

Après avoir été licencié, Ben, alcoolique, décide de partir pour Las Vegas afin de finir sa vie dans l'alcool. Il rencontre Sera, prostituée, qui va l'héberger pour le suivre dans sa déchéance. L'addiction centrale et quasi-exclusive dans "Leaving Las Vegas" est l'alcoolisme, incarnée par le personnage de Ben Sanderson. Le film se concentre de manière quasi documentaire sur sa descente aux enfers autodestructrice. On peut également y voir une forme de dépendance affective chez le personnage de Sera, bien que l'alcoolisme de Ben reste le sujet principal du film.





Sur l'addiction L'histoire se déroule au milieu des années 1990. À cette époque, bien que l'alcoolisme soit reconnu comme une maladie par le corps médical, la perception publique reste encore largement teintée de jugement moral. Le film ne cherche pas à excuser le personnage, mais à montrer la maladie dans sa dimension la plus brute et désespérée, sans fard ni espoir de rédemption, ce qui était assez audacieux pour l'époque.




Affiche originale, 1996
Affiche originale, 1996

Le film déconstruit plusieurs stéréotypes. Il ne présente pas l'alcoolique comme un personnage joyeux ou social, mais comme un être profondément seul et suicidaire. Il évite aussi le cliché de la rédemption. Ben ne cherche pas à s'en sortir, il a accepté son sort. Le film montre que l'addiction est une force destructrice qui consume tout. Elle se présente comme une maladie incurable et fatale pour Ben. Il ne s'agit pas d'un choix, mais d'une condition qui le définit entièrement. Il explique d'ailleurs à Sera : - "Je ne sais pas si j'ai commencé à boire parce que ma femme m'a quitté, ou si ma femme m'a quitté parce que j'ai commencé à boire". Cette phrase illustre l'impasse et la circularité de sa condition. Elle dit aussi que l'addiction engendre sa propre raison d'être. Peu importe la cause initiale, lorsqu'elle s'est installée, elle se justifie toute seule.





Sur les personnages et les traits de caractère attribués aux personnages addicts

Ben est dépeint comme un homme intelligent, cultivé et autrefois brillant, mais qui a tout perdu. Son addiction le rend à la fois vulnérable et égoïste. Il est marqué par un profond isolement, une immense tristesse et une autodestruction assumée. Il n'y a pas de recherche de puissance, mais plutôt une fuite en avant vers l'anéantissement.


L'addiction est absolument centrale dans le développement du personnage. Elle n'est pas un aspect du personnage, elle "est" le personnage. Tout le scénario, toutes ses actions et interactions sont dictées par son besoin irrépressible de boire.

L'alcoolisme a détruit sa vie professionnelle et familiale avant même le début du film (il se fait renvoyer et brûle ses souvenirs). À Las Vegas, sa relation avec Sera est fondée sur une règle claire : elle ne doit jamais lui demander d'arrêter de boire. Cette condition instaure une relation à la fois tendre et tragique, où l'amour ne peut exister qu'en acceptant la mort programmée de l'autre.



L’auteur s'est inspiré de sa propre expérience de l’addiction pour construire ses personnages.

De manière tragique, le film est une adaptation du roman semi-autobiographique de John O'Brien, qui s'est suicidé deux semaines après avoir appris que son livre allait être adapté au cinéma. Son œuvre était une exploration de sa propre lutte contre l'alcoolisme.



Sur le traitement artistique Quels procédés filmiques, littéraires ou narratifs sont utilisés pour représenter l’addiction (métaphores, symboles, effets visuels/sonores, voix off…) ?

Le réalisateur Mike Figgis utilise une caméra souvent à l'épaule, ce qui donne un aspect documentaire et instable, reflétant l'état d'ébriété de Ben. Les scènes de tremblements (delirium tremens), de chutes et de confusion sont filmées de manière très réaliste et frontale, sans ellipse.


La mise en scène et l’état addictif

La lumière crue et "néon" de Las Vegas contraste avec l'obscurité intérieure du personnage. La musique, composée par Mike Figgis lui-même et interprétée par Sting, est un jazz mélancolique qui souligne la solitude et la détresse des personnages. Le montage est parfois décousu, avec des fondus enchaînés qui peuvent mimer les "trous noirs" de l'ivresse.

Lumière, musique, caméra, montage participent à la sensation ressentie et vécue de l'ivresse permanente.

Le réalisateur, l’auteur ou les acteurs et l'alcoolisme

Outre l'auteur John O'Brien, l'acteur Nicolas Cage s'est beaucoup investi. Pour se préparer, il a regardé des vidéos de personnes en état d'ivresse et a même expérimenté l'alcool de manière intensive sur une courte période pour mieux comprendre l'état de son personnage (sous supervision médicale).




Le livre de John 'O'Brien, publié en 1990
Le livre de John 'O'Brien, publié en 1990




Sur la réception et l’impact Le film a été acclamé par la critique, notamment la performance de Nicolas Cage qui lui a valu l'Oscar du meilleur acteur. La critique a salué le courage et l'honnêteté du film, sa manière sans concession de traiter un sujet difficile, refusant tout optimisme de façade.


L’œuvre contribue plutôt à la déstigmatisation de l'alcoolique. En montrant l'humanité derrière le malade, en créant de l'empathie pour Ben malgré son comportement destructeur, le film invite à voir l'alcoolisme comme une tragédie humaine plutôt que comme une simple tare morale. Et l'alcoolique le premier rôle de cette tragédie.


L’addiction y est montrée comme un problème principalement individuel. Le film se concentre sur la psychologie de Ben et ne cherche pas à analyser les causes sociétales de l'alcoolisme. Las Vegas n'est qu'une toile de fond, un "no man's land" moral où tout est permis, y compris de se détruire. Mais le film ne s'apesantit pas sur l'époque ou la société "bourreau", pas plus que sur Ben "victime".





Sur les comportements addictifs modernes Les représentations sociales et culturelles de l’addiction, des produits, des comportements reflètent souvent les normes de leur époque. L'alcool, par exemple, est souvent montré comme un lubrifiant social ("Mad Men") avant d'en révéler les dangers. Le cannabis est passé d'un symbole de contre-culture à une substance quasi banalisée dans certaines productions récentes. En un sens, Leaving Las Vegas est un pavé dans la mare. L’œuvre questionne brutalement les représentations de l'addiction et particulièrement l'image de l'alcool, produit "convivial" Le film réfute complètement l'image "acceptable" de l'alcool. Il prend la substance la plus banale et la plus intégrée socialement pour montrer qu'elle peut être l'instrument d'un suicide lent et méthodique, loin de toute convivialité.





Passage révélateur de l’addiction


Un des passages les plus forts est la première véritable conversation entre Ben et Sera dans un bar. Ben, déjà ivre, explique son projet avec une lucidité terrifiante :

- Ben: "Je suis venu à Las Vegas pour me saouler à mort."

Il ne cherche ni aide, ni pitié. Il énonce son plan comme un simple fait. Plus tard, alors qu'il est au plus mal, tremblant et en sueur dans son lit, il refuse les soins de Sera en lui rappelant leur pacte :

- Sera: "Laisse-moi t'aider."

- Ben: "Non. Tu te souviens de ce que tu m'as promis. Tu ne dois jamais me demander d'arrêter de boire."


Cette scène est bouleversante car elle montre que même dans un moment de connexion humaine et d'amour potentiel, l'addiction reste la force dominante, la règle qui ne peut être transgressée, même pour la survie. C'est l'essence même de la maladie : une logique interne qui prime sur tout, y compris sur l'instinct de conservation.



Ben et Sera



Conclusion

La descente de Ben dans Leaving Las Vegas ne se limite pas à l’illustration d’une addiction autodestructrice ; elle devient une méditation sur la solitude, la perte et la recherche désespérée d’un sens dans la souffrance. À travers la relation fragile et sincère entre Ben et Sera, le film esquisse un espace de compassion au cœur du désespoir.


Média

Le film est en diffusion gratuite sur le site Internet Archive https://archive.org/details/Leaving-Las-Vegas-1995-Mike-Figgis



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