Requiem for a Dream
- Albert Caporossi
- 9 juin
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 3 juil.
Bienvenue dans l’univers merveilleux de l’addiction ! Non, on ne parle pas de votre dépendance au café ou aux reels de chats sur Instagram (quoique…). Aujourd’hui, on plonge dans Requiem for a Dream, le film culte qui vous fera ranger vos rêves de célébrité, vos pilules minceur et votre amour du sucre dans un tiroir fermé à triple tour. Adapté du roman de Hubert Selby Jr. (1978), Requiem for a Dream est un film dramatique réalisé par Darren Aronofsky. Il met en scène quatre personnages en proie à diverses formes d'addiction : Harry, Marion, Tyrone et Sara. L'œuvre est célèbre pour son traitement stylistique percutant et son exploration sans concession de la descente aux enfers provoquée par les dépendances.
Aronofsky nous livre ici une œuvre aussi brillante que glaçante, un uppercut visuel sur les ravages de la dépendance. Prêts pour le grand plongeon ?

Le film explore plusieurs types d'addictions :
* Addictions aux substances : héroïne, cocaïne (Harry, Marion, Tyrone), amphétamines (Sara).
* Addiction comportementale : Sara développe une obsession pour la télévision et la perte de poids, dans une quête illusoire de reconnaissance médiatique.
* Addiction à un idéal / au rêve américain : chaque personnage est dépendant d’un rêve (l’amour, la réussite, l'apparence), ce qui structure leur chute. Dans ce festival d’addictions (sans popcorn), chacun a son poison préféré :
* Harry et Tyrone sniffent de l’héroïne comme si c’était du sucre glace.
* Marion, elle, cherche l’inspiration dans les paradis artificiels (et les enfers).
* Sara, la mère de Harry, devient accro aux amphétamines en rêvant de passer à la télé. (Spoiler : ce n’est pas The Voice, et ça finit mal.)
Mais ce ne sont pas que des drogues : la télé, le paraître, le rêve américain... Tout est matière à accoutumance. Nous sommes dans les années 90 et les addictions comportementales commencent à prendre de la place
Contexte historique
Le film se déroule à la fin des années 90, à Coney Island (Brooklyn, New York), dans un environnement urbain dégradé. Ce contexte renforce le sentiment de désillusion et de marginalisation. Il reflète aussi la précarisation sociale croissante et le manque d’accès à des soins psychologiques adaptés.
Le roman d’origine date de 1978, ce qui donne une perspective encore plus sombre sur l'évolution de la société de consommation et la banalisation des dépendances.
Stéréotypes ou idées reçues
* L’addiction est d’abord montrée comme un moyen de combler un vide, mais elle devient très vite destructrice.
* Contrairement à certains récits glorifiant les drogues comme vecteurs de liberté, Requiem for a Dream démonte ce mythe avec brutalité.
* Il n’y a pas de figure de rédemption : l’addiction est irréversible, ce qui renforce une vision tragique mais réaliste. Addiction + société = combo perdant
Le film se passe dans les années 90, mais soyons honnêtes : il aurait pu sortir hier. Le contexte ? Une société de consommation où l’écran est roi, la solitude omniprésente, et les rêves en soldes. Coney Island devient le décor sinistre d’une Amérique qui promet tout mais n’offre pas grand-chose.
Ici, l’addiction n’est pas un choix glamour, c’est la réponse désespérée à un monde vide.
Faiblesse ou maladie ?
Aronofsky ne juge pas ses personnages. Il montre plutôt la lente mécanique de l’engrenage, où chaque shoot, chaque cachet, chaque mensonge est une tentative de se sentir vivant… avant de sombrer.
On commence avec de bons sentiments et des rêves pleins la tête. On finit amputé, interné ou prostituée. Voilà.

Des personnages fragiles, pas caricaturaux
Chacun des quatre protagonistes a une faille béante :
* Harry : doux rêveur, un peu paumé, bon cœur mais pas très bon sens.
* Marion : artiste sans repères, qui se cherche dans un monde qui la juge.
* Tyrone : victime d’un système raciste, il veut échapper à la misère.
* Sara : veuve seule et invisible, obsédée par son ancienne silhouette et la télé.
Pas de super-méchant ici. Juste des êtres humains qui cherchent une sortie de secours dans la mauvaise pièce.
Traitement artistique : une claque visuelle
Procédés filmiques
* Montage répétitif et rapide (split-screen, jump cut) pour mimer le cycle obsessionnel de la consommation. A mesure que les personnages sombrent, le rythme s'accélère, créant une tension insoutenable. * Montage frénétique : chaque consommation est répétée en rafale (coup de feu, pupille qui se dilate, sang qui pulse) jusqu’à l’épuisement.
* Effets visuels déformants (fish-eye, time lapse) pour représenter les états altérés de conscience.
* Symboles récurrents : réfrigérateur qui "attaque", plateau télé, seringues, miroirs, la caméra collée aux visages, les visages qui se figent dans le néant.
Mise en scène
* Musique de Clint Mansell (notamment le thème "Lux Aeterna") : répétitive, lancinante, elle installe un malaise croissant. Vous devinez que ça va mal finir.
* Lumières : les teintes chaudes du début deviennent de plus en plus froides et cliniques.
Aronofsky transforme l’écran en champ de bataille sensoriel : Regarder ce film, c’est un peu comme faire un bad trip… sans rien avoir pris.

Requiem : chef-d'œuvre ou film de prévention hardcore ?
La critique ? Partagée à sa sortie, conquise depuis. Culte chez les cinéphiles, étudié chez les psy. Il a été vu comme un électrochoc nécessaire, même si certains l'ont trouvé trop noir, trop radical.
Alors : stigmatisation ou prise de conscience ? On sort du film KO, mais peut-être aussi un peu moins naïf sur la réalité de l’addiction.
Et les addictions modernes dans tout ça ?
Remplacez la télé de Sara par TikTok, les amphétamines par des filtres beauté et la solitude par... bon, toujours la solitude, et vous avez une version 2025 de Requiem for a Dream.

Les addictions comportementales (réseaux, jeux, séries) ne détruisent peut-être pas le corps aussi vite, mais elles grignotent tout aussi efficacement l’attention, la motivation, les liens sociaux. Et on en parle (presque) aussi peu que les drogues dures à l’époque.
Un extrait qui résume tout ? Sara, répétant cette phrase en boucle "I'm going to be on television", les yeux écarquillés, devant un écran qui ne lui parle jamais vraiment.
Ce moment, c’est toute la tragédie moderne de la quête de visibilité, de reconnaissance. Ce cri du cœur devient un murmure d’aliénation.
Conclusion
Pourquoi il faut voir ce film ? Requiem for a Dream, c’est un film que l’on ne “regarde” pas, on le subit, on le ressent. Une plongée vertigineuse dans la mécanique de l’addiction, sans filtre ni glamour, avec juste ce qu’il faut de poésie noire et de désespoir stylisé.
Il ne sauvera peut-être personne, mais il n’édulcore rien. Et dans une époque où l’on like avant de réfléchir, ça fait du bien (ou mal, mais bien).
Et vous, quelles œuvres vous ont marqué par leur représentation de l’addiction ? Partagez en commentaire, mais doucement hein… pas d’overdose de gifs.
Documents en lien avec le sujet
Vendre l'expérience d'un autre moi https://shs.cairn.info/revue-decisions-marketing-2002-4-page-23?tab=texte-integral
Voici une analyse et un résumé du texte "Vendre l'expérience d'un autre moi" de Maud Dampérat, Philippe Drago et Sophie Larivet, ainsi que ce qu'il dit spécifiquement du film Requiem for a Dream.
Analyse et résumé du texte
Cet article scientifique propose d'analyser la consommation non pas comme une simple recherche utilitaire ou de plaisir, mais comme un moyen pour l'individu de vivre "l'expérience d'un autre moi". Les auteurs soutiennent que les consommateurs peuvent chercher, à travers certains produits ou services, à explorer d'autres facettes de leur personnalité ou à se mettre dans la peau de quelqu'un d'autre.
L'étude s'appuie sur une méthodologie qualitative, incluant des entretiens et l'analyse de divers exemples tirés de l'art, du cinéma et de la société.
Concepts clés développés dans l'article
L'expérience d'un autre moi est définie comme un moment où une personne est plongée dans un univers (réel ou imaginaire) différent de son quotidien, ce qui lui permet d'explorer une autre façon d'être et de réagir.
Processus d'accès : Cette expérience peut être atteinte par deux biais principaux :
1. L'identification à un individu réel ou fictif (par exemple, un personnage de film, une célébrité).
2. L'immersion dans un univers différent qui révèle des aspects cachés ou non exprimés de sa propre personnalité.
3. Fonctions pour le consommateur : Ce type d'expérience remplit trois fonctions principales :
4. Hédonique : La recherche de nouvelles émotions et sensations pour "profiter de la vie".
5. De connaissance : L'acquisition d'une meilleure compréhension de soi-même, des autres et du monde, formant un "capital d'expériences".
6. Sociale : L'utilisation de ces expériences pour se positionner par rapport aux autres, gagner en reconnaissance ou en aisance sociale.
Implications managériales : Les auteurs proposent des outils pour que les entreprises puissent exploiter ce concept. Ils suggèrent des stratégies de communication et de développement de produits (notamment dans les loisirs, le tourisme et l'événementiel) qui permettent aux consommateurs de vivre ces expériences. Cela implique de créer des offres où le consommateur peut être soit "acteur" soit "spectateur" de l'expérience, et y jouer "son propre rôle" ou un "rôle de composition".
Ce que le texte dit du film Requiem for a Dream
Requiem for a Dream est utilisé comme l'exemple introductif et fondamental de l'article pour illustrer de manière frappante le concept d'expérience d'un autre moi.
L'analyse se base sur le témoignage d'un spectateur nommé Rémi, qui décrit l'impact profond que le film a eu sur lui.
Une expérience d'identification et d'immersion totale : Rémi affirme avoir "vraiment tout vécu avec les personnages". Le film ne lui a pas seulement raconté une histoire, il l'a plongé dans la "descente aux enfers" des protagonistes. Une réaction physique et sensorielle : L'expérience décrite est si intense qu'elle devient physique. Rémi déclare : "J'ai vraiment ressenti la sensation de manque, la douleur de l'aiguille qui entre dans le bras purulent... J'en tremblais.". Cette réaction corporelle montre que la consommation du film a transcendé le simple visionnage pour devenir une expérience vécue. La substitution du moi : La force du film, selon le témoignage, réside dans sa capacité à brouiller la frontière entre le spectateur et le personnage. Les techniques de tournage, qui filment l'acte de se droguer de manière "mécanique" et impersonnelle, amènent Rémi à la conclusion : "Ça aurait pu être moi. En fait, pendant le film, c'était moi." Un souvenir marquant : L'expérience est si puissante qu'elle s'ancre durablement dans la mémoire de Rémi, devenant sa référence personnelle sur le sujet de la drogue, bien qu'il n'en ait jamais consommé lui-même.
Plus loin dans l'article, ce témoignage est réutilisé pour illustrer le cas du consommateur en position de "spectateur" qui, bien que passif et sans pouvoir sur le déroulement de l'action, vit intensément l'expérience par procuration.
Requiem for a Dream est ainsi présenté comme un cas d'école de la manière dont un produit culturel peut offrir une expérience d'un autre moi extrêmement puissante et transformative.
Trailer
Extrait VF
Critique du film
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