Clean and Sober
- Albert Caporossi
- 29 mai
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 juin
Clean and Sober (1988), réalisé par Glenn Gordon Caron, est un film marquant sur l’addiction, incarnée par Michael Keaton dans le rôle de Daryl Poynter, un agent immobilier dont la vie bascule sous l’emprise de la cocaïne et de l’alcool.

Les formes d’addictions représentées
Le film se concentre principalement sur les addictions aux substances, en particulier la cocaïne et l’alcool. Daryl Poynter, le protagoniste, est un polytoxicomane dont la dépendance s’exprime aussi par des comportements autodestructeurs comme le jeu en bourse compulsif. Les addictions comportementales modernes (jeux vidéo, écrans, réseaux sociaux) ne sont pas abordées, le film étant ancré dans la fin des années 1980.
Époque et contexte historique
L’action se déroule à la fin des années 1980, une période marquée aux États-Unis par une prise de conscience croissante de l’épidémie de cocaïne et de crack. Cette période l'est aussi par la montée des programmes de réhabilitation et des groupes de parole type Alcooliques Anonymes. Ce contexte influence la perception de l’addiction : elle commence à être vue comme un problème de santé publique, mais reste fortement stigmatisée socialement.
Le film évite de nombreux stéréotypes habituels. Daryl n’est pas un marginal : il est blanc, aisé, « yuppie », ce qui va à l’encontre de l’image du « drogué » issu de milieux défavorisés. Cependant, le récit met en scène l’illusion de contrôle, le déni et la tendance à blâmer autrui, qui sont des mécanismes classiques chez les personnes dépendantes.
L’addiction : faiblesse, maladie ou choix ?
Clean and Sober présente l’addiction avant tout comme une maladie, un engrenage dont le personnage principal ne peut sortir seul. Daryl commence par nier son problème, puis doit admettre sa dépendance pour entamer une reconstruction. Le film montre que la volonté seule ne suffit pas : il faut un accompagnement, une prise de conscience, et un soutien collectif.
Le film décrit des traits de caractère des personnages addicts. Daryl est décrit comme intelligent, charismatique, manipulateur, mais aussi profondément insatisfait, solitaire et en quête de fuite. Il utilise l’humour et la séduction comme mécanismes de défense, mais révèle une grande vulnérabilité et une peur de l’intimité. Les autres personnages addicts (comme Charlie, jouée par Kathy Baker) sont également complexes, oscillant entre désir de s’en sortir et tentation de rechute.
L’addiction est le moteur central de l’évolution de Daryl. Tout son parcours, de la chute à la tentative de rédemption, est rythmé par son rapport à la drogue et à l’alcool. Sa dépendance structure ses relations, ses choix et sa vision de lui-même.
L’addiction isole Daryl de ses proches, influence sur ses relations et détruit ses liens professionnels et affectifs. Elle l’amène à manipuler ou blesser ceux qui tentent de l’aider. Mais le film montre aussi la possibilité de reconstruire des liens authentiques grâce à la solidarité entre personnes en rétablissement, notamment à travers la relation avec son parrain Richard.
Expérience personnelle du réalisateur ou des acteurs
Il n’y a pas d’indication claire que le réalisateur Glenn Gordon Caron ou le scénariste Tod Carroll aient puisé dans leur propre expérience de l’addiction pour écrire le film. Cependant, le traitement du sujet est salué pour son authenticité et sa justesse, loin du sensationnalisme.
Les procédés artistiques et la mise en scène du film adopte une approche réaliste, sans effets spectaculaires. La caméra privilégie les plans fixes, la lumière froide, et la bande-son souligne la tension intérieure du personnage. Les ellipses et les silences traduisent l’ennui, le vide et la difficulté de la reconstruction. L’humour noir de Daryl sert de masque, mais laisse transparaître la souffrance.
Réception et impact
À sa sortie, le film a été salué pour la performance de Michael Keaton et la rigueur de son propos, bien que certains critiques l’aient trouvé trop sombre. Il a contribué à une vision plus nuancée de l’addiction, en montrant la complexité du parcours de soins et la possibilité de rédemption, participant ainsi à la déstigmatisation des personnes concernées.
Individuel ou sociétal ?
Le film met l’accent sur la dimension individuelle du combat contre l’addiction, mais il montre aussi les failles du système (manque de soutien, stigmatisation, solitude) et la nécessité d’un accompagnement collectif (groupes de parole, parrainage).
Addictions comportementales modernes
Clean and Sober ne traite pas des addictions comportementales modernes comme le binge watching ou les réseaux sociaux, car elles n’étaient pas au cœur des préoccupations à la fin des années 1980. Cependant, la logique de fuite, de perte de contrôle et d’isolement est comparable à ce que l’on retrouve dans ces nouvelles formes d’addiction.
Représentations sociales et culturelles
Le film questionne la représentation sociale de l’addiction : il montre qu’elle touche toutes les classes sociales, et pas seulement les marginaux. Il met aussi en lumière la banalisation de l’alcool et de la drogue dans certains milieux professionnels, tout en dénonçant le tabou et la honte qui entourent la dépendance.
Passages révélateurs de l’addiction
« L’une des choses les plus difficiles à propos de la dépendance à la drogue et à l’alcool est d’être capable de dire "Je suis un addict". Parce que tant que cela n’arrive pas, l’addiction continue et la perspective de s'en sortir s’amenuise chaque jour.
Ce passage révèle le plus la complexité de l’addiction et sa progression
chez Daryl.
Il se situe lors de sa confrontation avec la réalité de sa dépendance pendant une réunion des Alcooliques Anonymes. Dans cette scène, Daryl, d’abord dans le déni, finit par admettre publiquement :
« Je m’appelle Daryl, et je suis un addict. »

Cet aveu marque un tournant : il expose la lutte intérieure du personnage, partagé entre honte, peur et désir de s’en sortir. La scène est d’autant plus forte qu’elle montre la difficulté à reconnaître sa propre impuissance face à l’addiction, malgré les pertes personnelles et professionnelles déjà subies. C’est un moment de vulnérabilité extrême, où Daryl laisse tomber ses mécanismes de défense, révélant la progression de sa maladie : du déni à la prise de conscience, étape indispensable du processus de rétablissement.
Ce passage, souvent cité par la critique, illustre la complexité psychologique de l’addiction : elle ne se résume pas à une question de volonté, mais implique une lutte profonde contre soi-même, ses peurs et ses illusions de contrôle. La mise en scène sobre, le silence pesant, et le jeu nuancé de Michael Keaton soulignent la gravité de l’instant et l’espoir fragile d’une renaissance.
Autre moment clé sur la difficulté à se libérer Un moment clé du film dévoile toute la difficulté de Daryl à se libérer de son addiction lors de sa première véritable crise de manque dans le centre de désintoxication. À ce stade, Daryl est confronté à une envie irrépressible de consommer : il tente de manipuler le personnel, cherche à fuir, et s’enfonce dans le déni, refusant d’admettre sa dépendance. Cette scène met en lumière la lutte intérieure du personnage : malgré la prise de conscience des conséquences dramatiques de sa consommation (perte d’emploi, isolement, problèmes légaux), le besoin de drogue reste plus fort que sa volonté de s’en sortir.
La caméra s’attarde sur son agitation, ses gestes nerveux, son regard perdu : tout traduit l’intensité du combat contre lui-même. Ce passage montre que l’addiction ne se limite pas à une question de choix ou de faiblesse, mais s’impose comme une force destructrice, contre laquelle la volonté seule ne suffit pas. La progression de l’addiction chez Daryl se manifeste par cette incapacité à lâcher prise, même face à l’évidence de la souffrance, illustrant la dimension à la fois physique, psychique et émotionnelle de la dépendance.
Ce passage résume la difficulté du déni et l’importance de la reconnaissance du problème pour entamer le chemin de la guérison. Ce passage révèle le plus la complexité de l’addiction et sa progression.

Conclusion
Clean and Sober demeure un film de référence pour comprendre la réalité de l’addiction, loin des clichés, en mettant en avant la souffrance, la résistance au changement, mais aussi la possibilité de renaissance. Son réalisme, son humanité et la performance de Michael Keaton en font une œuvre incontournable pour aborder le sujet des addictions dans la culture populaire.
Sitographie
16. https://musae-tomorrow.com/2023/01/26/addictions-et-pop-culture-interview-du-dr-jean-victor-blanc/
23. https://www.addictaide.fr/addictions-avec-et-sans-substance-troubles-mentaux-quelles-co-occurrences/
24. https://www.implications-philosophiques.org/laddiction-au-prisme-de-la-perspective-sociologique/
58. https://orca.cardiff.ac.uk/id/eprint/133704/1/Christina%20Thatcher%20-%20Critical%20Component%20-%20Corrections%20Completed%20-%20FINAL.pdf 1. https://www.reddit.com/r/thewalkingdead/comments/1k8f4yc/we_dont_talk_enough_about_daryls_guilt_complex/?tl=fr
7. https://www.santeaddictions.fr/je-m-informe/daryl-incarne-un-parieur-pour-sensibiliser-sa-communaute
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